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Lipokamp Créations Nomades

Utiliser l'art pour un (r)éveil des consciences - UNITE / BIENVEILLANCE / EMERVEILLEMENT

Le visage caché de l'affaire Charlie Hebdo

Publié le 11 Janvier 2015 par MaLepbo in Politico-Dramatique

Le visage caché de l'affaire Charlie Hebdo

JE SUIS CHARLIE, où le message utilisé comme hommage, signe de soutien et de rassemblement face à l'horreur des événements de la semaine du 7 janvier 2015 à Paris.

Soit.

Sous cet élan de vibrations positives envoyées par chaque personne dénonçant la tragédie plane un tout autre problème, dont peu de gens ont conscience et qui se déroule pourtant sous nos yeux hallucinés.

Avec cette histoire, la probabilité que la population se divise, qu'elle demande des lois liberticides et sécuritaires qu'elle refuserait si elle n'était pas prise dans ce choc émotionnel et d'indignation (schéma problème/réaction/solution), que le gouvernement justifie l'ensemble des engagements militaires sur les sols des pays concernés par l'islam radical, qu'il renforce (sans que la population ne se doute de rien puisqu'elle est obnubilée) le protectionnisme américain ... à un moment où le traité transatlantique TAFTA est en en train de passer) a été largement multiplié. Un mouvement tente tant bien que mal de faire passer ce message par la diffusion de la banderole JE SUIS CHARLIE MAIS PAS DUPPE.

Voici un bon exemple du style de division que ce type d'histoire (et d'amplification par les médias) peut déclencher: (propos d'une professeur en collège)

Le matin du 8 janvier, nous avons reçu un courrier de notre ministre qui nous rappelait que l'école était là pour transmettre les valeurs de la République. En tant que professeurs, nous avons pour mission d'expliquer à nos élèves les faits, de les faire réfléchir, de les aider à comprendre.

"Pourquoi respecter une minute de silence pour des gens que je ne connaissais pas ?"

J'ai d'abord eu un échange avec ma classe de 5e, composée de collégiens de 12 ans en moyenne. Ils étaient très silencieux. Sauf un qui m'a demandé : "Pourquoi respecter une minute de silence pour des gens que je ne connaissais pas ?" J'ai trouvé cette réaction violente. Ses camarades ont été choqués également. Ils sont jeunes, sans doute plus émotifs que leurs aînés. Je voyais que cet élève faisait semblant, il ne pesait pas ses mots. Il était dans la provocation.

J'ai rappelé les faits en commençant pas l'évidence : on a tué des êtres humains. Pour que la minute de silence soit ensuite respectée, j'ai dû "plomber l'ambiance", sinon ça n'aurait pas fonctionné. Je leur ai dit : "Vous vous rendez compte que les victimes sont parties hier matin en disant à tout à l'heure à leur famille ?" Il fallait éviter que d'autres s'amusent à jouer les caïds pour épater la galerie pendant ce moment de recueillement. Après la minute de silence, j'ai senti une lourdeur s'abattre sur la classe donc j'ai décidé de passer à autre chose. Je venais de voir quelques-unes de mes élèves de confession musulmane debout, la tête baissée, presque gênées, pour elles, pour leurs familles, ça doit être dur de voir certains faire l'amalgame.

Quant à ce qui s'est passé dans ma classe, cette provocation, ce n'est rien à côté de ce que certains de mes collègues ont dû affronter. Durant la minute de silence, dans les autres classes, il y a eu plusieurs expulsions d'élèves, les uns parlaient, disaient des choses affreuses, les autres rigolaient. Un petit de 6e de confession musulmane a carrément refusé de respecter la minute de silence. Tous ces élèves un peu "retors" ont été envoyés chez le principal de l'établissement et chez l'infirmière scolaire pour entendre un discours différent de celui qu'ils entendent sans doute chez eux.

En début d'après-midi, j'ai accueilli une classe de 4e. Ils sortaient d'un cours de français pendant lequel ils avaient entamé un vif débat sur le sujet. Ils étaient bruyants, agités, je leur ai proposé qu'on poursuive le débat pendant mon cours. Certains jugeaient cet acte effroyable, traitaient les terroristes de "barbares". Mais un élève a commencé à exprimer son désaccord. J'ai ensuite remarqué qu'une autre assise au fond de la classe attendait sagement main levée qu'on lui donne la parole.

"On ne va pas se laisser insulter par un dessin du prophète"

"Madame, me dit-elle, on ne va pas se laisser insulter par un dessin du prophète, c'est normal qu'on se venge. C'est plus qu'une moquerie, c'est une insulte !" Contrairement au précédent, cette petite pesait ses mots, elle n'était pas du tout dans la provoc. À côté d'elle, l'une de ses amies, de confession musulmane également, soutenait ses propos. J'étais choquée, j'ai tenté de rebondir sur le principe de liberté et de liberté d'expression. Puis c'est un petit groupe de quatre élèves musulmans qui s'est agité : "Pourquoi ils continuent, madame, alors qu'on les avait déjà menacés ?"

Plusieurs élèves ont tenté de calmer le jeu en leur disant que Charlie Hebdo faisait de même avec les autres religions. Leur professeur de français avait eu l'intelligence de leur montrer les unes de Charlie pour leur montrer que l'islam n'était pas la seule religion à être moquée. Mais ils réagissent avec ce qu'ils ont entendu à la maison.

Tout cela a divisé les élèves

Ce qui me désole, c'est la fracture que cet événement tragique a créée dans des classes d'habitude soudées. Tout cela a divisé les élèves. Il régnait aujourd'hui une ambiance glauque, particulière. Cette classe de 4e sympa, dynamique, était soudain séparée en deux clans. Les communautarismes ont resurgi d'un coup. Et ça me fait peur pour la suite.

L'école doit transmettre nos valeurs, mais on est parfois un peu trahis par les parents. On apprend les principes républicains aux enfants, mais une fois à la maison ils en font bien ce qu'ils veulent. Ils n'ont plus confiance en nous, professeurs. Ils ne nous prennent pas pour des alliés, mais pour des ennemis. En tant que prof, tu te demandes ce qu'ils peuvent penser de toi, de nous enseignants, nous qui avons la foi de leur apprendre. Nous avons devant nous des jeunes citoyens qui ont des idées telles qu'on est obligé de se demander : "Où allons-nous ?"

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